Invité lors d’un grand congrès eucharistique qui se tient à Montréal, en 1910, l’archevêque de Westminster prend la parole à la basilique Notre-Dame. Il explique qu’avec l’arrivée massive des Irlandais, l’avenir du catholicisme en Amérique du Nord se fera en anglais. Cet appel à l’assimilation au nom d’idéaux plus nobles, ce n’est pas la première fois qu’on l’entend. Qu’il vienne d’un haut prélat de l’Église catholique ne passe cependant pas inaperçu.
Les Canadiens français de l’assistance sont interloqués. Ils ne comprennent pas pourquoi ils devraient cesser de parler la langue de leurs ancêtres pour préserver leur statut de bons catholiques. Henri Bourassa, qui vient tout juste de fonder Le Devoir, n’en croit pas ses oreilles lui non plus. Son intervention doit d’ailleurs suivre celle de l’archevêque. Lorsqu’on lui donne la parole, il met de côté son texte qu’il avait longuement mûri, et décide plutôt de répliquer.
La foule rassemblée n’est pas déçue. Son exposé est calme et ferme. Il raconte l’histoire de son peuple qui a résisté si longtemps aux pires épreuves. « Que l’on se garde, oui, que l’on se garde d’éteindre ce foyer intense de lumière qui éclaire tout un continent depuis trois siècles. Nous ne sommes qu’une poignée ; mais nous comptons pour ce que nous sommes et nous avons le droit de vivre… ». Son discours terminé, la foule applaudit à tout rompre, ce qui n’est généralement pas de mise dans une église.
Pour en savoir plus :
Jean-Claude Leclerc, « Quand Montréal était la Rome du Nouveau Monde. Henri Bourassa, défenseur du droit de prier en français », Le Devoir, 11 septembre 2010.
Gilles Proulx, « Le discours d’Henri Bourassa (1910) », Le Journal de Montréal, le 27 août 2016.