Durant les années 60, Ottawa compte étendre son réseau de parcs au Québec. Le gouvernement fédéral presse donc Québec de lui céder des terrains et d’exproprier toute la presqu’ile de Forillon, en Gaspésie. Le rapport du Bureau d’aménagement de l’Est-du-Québec (BAEQ) recommandait l’expropriation de «quelques petites franges côtières et quelques couloirs de pénétration». Ainsi, lorsque l’avis d’expropriation est déposé le 22 juillet 1970, la grande partie des gens ignoraient que leur maison allait être démolie ou brûlée pour la création du parc.
Le gouvernement procède avec une rigueur inouïe, faisant raser huit villages et déplacer 225 familles avant la date fatidique du 22 janvier 1972. En tout, 1 800 actions d’expropriation sont menées. «C’était David contre Goliath. Les expropriés se faisaient dire qu’ils étaient bien mieux de se satisfaire de l’offre, parce que leur maison ne valait plus rien», explique l’historienne Aryane Babin.
Les expropriés décident donc d’aller en cours et de faire appel au Protecteur du citoyen afin de recevoir des indemnités supplémentaires. En 1975, ils se partagent finalement la somme de 1,9 million $: «Cinq années d’attente et de frustration pour obtenir ce qu’ils auraient dû obtenir au départ». Comble d’ironie, en 2010, soit 40 ans après avoir été chassés de chez eux, les expropriés survivants obtiennent le droit de visiter le parc, là où ils sont nés, sans avoir à payer de frais d’entrée.
Sources:
Aryane Babin, L’expropriation du territoire de Forillon: Les décisions politiques au détriment des citoyens, Québec, PUL, 2015. 174 p.
CANADA, Le Parc national de Forillon. https://www.pc.gc.ca/fr/pn-np/qc/forillon